La fabrication de fards égyptiens

Les Egyptiens se maquillaient avec des cosmétiques blanc, vert, gris ou noir, principalement formulés avec des composés de plomb. 

Les échantillons de fard ont été prélevés dans des récipients en pierre (albâtre, hématite, marbre), céramique, bois ou roseau, provenant de plusieurs sites datés entre 2000 et 1200 avant J.C. Une étude approfondie a été menée par le Centre de recherche et de restauration des musées de France en partenariat avec L'Oréal.

Comme dans toute analyse concernant les œuvres d'art et les objets archéologiques, les prélèvements nécessaires aux analyses chimiques sont très limitées (1 mm3 environ).

Ces prélèvements sont dans un premier temps observés par microscopie électronique à balayage qui renseigne sur la morphologie et la composition chimique élémentaire des grains de la poudre. Des mélanges complexes de composés de plomb ont ainsi été observés, mais cette analyse élémentaire restait insuffisante pour reconnaître les phases minérales. 

L'analyse structurale par diffraction des rayons X a permis leur identification minéralogique. Une quantification précise des phases a alors été possible pour déterminer les formulations cosmétiques.

Quatre phases principales ont été identifiées : la galène (PbS), la cérusite (PbCO3), la laurionite (PbOHCl) et la phosgénite (Pb2Cl2CO3). La galène est le minéral principal et bien connu des fards noirs de l'Egypte ancienne, mais aussi de khôls encore traditionnellement employés aujourd'hui dans certains pays d'Orient, d'Asie et d'Afrique du Nord.

La cérusite, minéral blanc, apparaît comme composant principal pour des fards à teinte plus claire. L'usage de tels fards peut surprendre aujourd'hui mais des études sur la toxicologie du plomb ont montré qu'aucune corrélation ne pouvait être établie entre l'usage de khôl et le taux de plomb dans le sang, s'il n'y a pas d'ingestion accidentelle. 

La présences de la laurionite et de la phosgénite était inattendue, ces deux minéraux sont en effet très rares dans la nature, parfois observées dans les produits de corrosion d'objets en plomb ou dans des scories de plomb rejetées dans la mer lors d'anciennes opérations minières (par exemple aux mines du Laurion en Grèce). 

La phosgénite est un peu plus fréquente car elle se forme également naturellement par oxydation des minéraux de plomb, lorsque ceux-ci viennent en contact avec des eaux carbonatées et chlorées. En supposant que de tels produits naturels aient été extraits, leur quantité dans la nature est de toute façon trop faible pour qu'ils aient été intensément utilisés comme base cosmétique pendant une période d'au moins huit siècles. 

D'autre part, l'extraordinaire état de conservation des objets étudiés exclut un apport de chlore par des eaux de ruissellement et donc une altération chimique des poudres dans leur récipient originel. 

Aucune source naturelle et aucun mécanisme d'altération ne permettent d'expliquer la présence de ces deux minéraux chlorés : les Egyptiens ont donc dû les synthétiser.

Certaines recettes de préparation de produits médicaux décrites par Pline l'Ancien et Dioscoride au Ier siècle après J.C. expliquent comment l'écume d'argent purifiée (en fait l'oxyde de plomb PbO) était broyée et mélangée dans de l'eau avec du sel gemme et parfois du natron (des carbonates de sodium principalement) puis filtrée ; la procédure était répétée chaque jour pendant plusieurs semaines. Ces réactions chimiques ont été reconstituées en mélangeant des poudres de PbO et de NaCl dans de l'eau. Une lente réaction produit une solution alcaline qui peut être maintenue à un pH neutre pour simuler les remplacements journaliers de l'eau. Le précipité obtenu a été identifié comme de la laurionite par diffraction des rayons X. L'observation des cristaux au microscope électronique à balayage a montré qu'ils avaient une morphologie similaire à celle de la laurionite archéologique. En présence de carbonates, on obtient aisément de la phosgénite.

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